Ce début du XXI ème siècle confirme l’expansion vertigineuse des ventes d’appareils photos numériques. Nous passons de la préhistoire pelliculaire à la modernité numérique. De ce constat, il en découle des nouveaux comportements définissant des communautés de photographes offrant un nouveau style de vie ou en tous les cas autant d’attitudes sociales que compte le découpage sociologique de la société d’aujourd’hui.

Colmar (68)
A force de les côtoyer, de les observer, de les fréquenter et d’être soi même un passionné d’images, j’ai voulu jeter un regard sur cette activité exponentielle. Fort est de constater que le type de matériel façonne l’acteur, devenu le nouveau chasseur des temps modernes.
En gravissant les échelons de la technicité et du professionnalisme, on peut distinguer différentes catégories de photographes et ainsi être frappé par leurs nouveaux comportements qu’ont engendré leurs outils de chasse aux formes variées comme le téléphone portable, ou le Réflex emmanché d’un objectif télescopique.
Il y a d’abord la grande masse des amateurs de photos qui emmagasinent des images comme on fait son supermarché, le temps de les soumettre à des commentaires de voisinage pour les faire ensuite disparaître comme elles sont apparues. Parmi ces amateurs, il y a les glaneurs de portraits ou de scènes de trottoirs. Il y a les amateurs d’images familiales, celles qui couvrent les évènements : de la naissance de bébé, aux fêtes de famille et aux scènes de camping, jusqu’aux manifestations sportives. Les appareils rivalisent alors de miniaturisation. Et l’on s’interroge sur comment un si petit instrument peut-il sortir des images aussi réalistes dont leur amplification graphique révèle parfois des effets inattendus.
Il y a tous les amateurs de la photo de voyage. L’appareil acheté la veille du départ va pouvoir emmagasiner des quantités d’images qui vont faire le menu des soirées diaporama considérées comme aussi ennuyeuses qu’étaient autrefois les soirées diapos. Mais aujourd’hui, on peut y ajouter la musique que personne ne partage et un ordonnancement d’images que seul le monteur comprend.
Ainsi pas un touriste n’échappe au petit numérique qu’il (elle) brandit comme un calice ou un trophée, les bras en l’air, un pied en arrière et le dos arque bouté à s’en coincer une vertèbre. Ici la technicité s’arrête à la position du mode automatique. Il est devenu un accessoire indispensable, comme le sac ou les lunettes. Et on remarquera quand un groupe de touristes envahit un lieu célèbre, il se forme comme un ballet de danses chinoises.
Puis on distingue les amateurs avertis, ceux qui font de la chasse d’images, un loisir. Ces nouveaux Guillaume Tel de la photo s’intéressent à leurs nouveaux outils qu’il caresse régulièrement avant de les soumettre aux tirs répétés de la poursuite du cliché original. Qu’il s’agisse d’animaux, de fleurs, de portraits, de sites célèbres, d’aventures ou de randonnées, la thématique choisie offre à ces amateurs imagés une vie parallèle tout en couleur et le soin d’emmagasiner des stocks d’images comme le fait un collectionneur de timbres. Chez ces gens là, dès qu’ils sont en situation, on constate que leur mouvement est à géométrie variable. C’est comme s’ils possédaient des yeux tout autour de la tête. Et tels des chasseurs, ils marquent l’arrêt dès l’apparition de la situation à photographier, puis brandissent leur appareil, visent et cliquent. Parfois ils lâchent une rafale, s’assurant ainsi d’une prise louable. Ces pourfendeurs de clichés n’arborent pas de signes particuliers hormis leur appareil qui aura fait l’objet d’un récent renouvellement d’achat.
Mais avant de s’intéresser aux photographes dont c’est le métier, il y a les amateurs semi professionnels. Les mordus du trépied et de la grosse sacoche,. Ceux chez qui la grandeur de l’objectif est proportionnelle à leur absence de discrétion. Coiffé à la BHL, habillé en chasseur, ces Robins des Bois de la photo s’exercent sur les terrains d’aventures, dans les sous bois, au sommet des tours ou lors de manifestations épisodiques. Toujours hissés sur des marche pieds de fortune, ils s’élèvent au dessus des mêlées, ils ciblent tous ces instants éphémères pour pouvoir en tapisser les murs de leurs logement voire de leur bureau ou tout simplement en alimentant la toile géante .

Mes deux compères photographes
Puis, il y a les professionnels de la photo, ceux qui en ont fait leur gagne pain. Leur style à la fois baba cool et mercenaire en font des aventuriers de terrain et de scènes branchées. Il y a les paparazzi, harnachés tels des paras, grenades et cartouchières en bandoulière chevauchant les deux roues vrombissant en quête du dernier scandale people. Il y a les spécialistes des reportages : les photographes journalistes, les représentants et envoyés spéciaux des petites et grandes agences, les photographes de "bouffe" et du PAF, de mode, de guerre ou de sport , de nus, de stars ou d’actualité politique, bref tous ces spécialistes qui a grand renfort de zoom et d’objectifs démesurés, vous mitraillent les cibles convoitées en vue de substantiels revenus.
Ces photographes là, se voient de temps à autres, tels des prix Goncourt, être récompensés pour leur exploit photographique et fiers d'arborer leurs trophés de chasse.
Enfin, il y a les photographes d’art, les artistes de la pellicule ou du numérique qui usent et abusent de leur talent pour nous offrir ces tableaux couleurs, ou noir et blanc, qui agrémentent galeries, expositions ou salons pour le bonheur visuel des amateurs d’images en quête d’exception et d’admiration. Ceux là exposent leur panoplie technologique avec la discrétion de l’artiste caché qui veille sur sa proie avant de la transfigurer en un tableau d’art.
Aujourd’hui, la photographie d’art a le vent en poupe. Ces photos inondent les galeries, médiathèques et salons. Pas une ville n’échappe à une exposition, pas une salle des ventes ne soumet sa dernière collection de photos, pas une revue ne cite telle célébrité photographique, pas un reportage ne publie tel inventaire iconographique. La photo est devenue le média expressif et l’expression médiatique d’une époque. Les sites internet, les blogs, les revues et book personnels se déploient à tout va en images et collections de photos.
En définitive s’adonner à la photographie c’est vouloir utiliser une forme d’émancipation technologique pour permettre à son ego une forme d’expression visuelle facile à partager et ce dans l’espoir de susciter admiration et louanges. La photo c’est le résultat de sa propre vision des choses, celle saisie à un instant présent pour signifier que sa représentation du réel n’est plus que l’instant d’après, un simple souvenir glacé ou mieux une chaude excitation virtuelle .